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La loi ELAN : Ce qu’il faut savoir

La loi ELAN (acronyme signifiant évolution du logement, l’aménagement et du numérique) a été présentée cette semaine en conseil des ministres. Elle fera dans les prochains jours l’objet d’examen par les parlementaires. Les travaux sont prévus pour prendre fin avant la fin des vacances estivales. Mais déjà, ce qui n’est encore qu’un projet de loi suscite passion et déferlement de la part des acteurs directement concernés que sont les propriétaires, notamment par l’Union Nationale des Propriétaires immobiliers (UNPI) et les associations de défense des droits des locataires principalement à travers l’association Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV). En effet, la loi ELAN et ses 66 articles est jugée trop contraignante, voire «dérégulatrice» notamment par les associations de locataires qui jugent qu’elle taille la part belle aux bailleurs. Les associations de locataires estiment par ailleurs que la loi ELAN dans sa conception actuelle élargit davantage les marges de manœuvre des bailleurs quant à la fixation des prix des loyers. La crainte principale de ces acteurs est le risque de flambée des prix du loyer principalement dans les grandes villes de la métropole.

Loin des passions, nous nous proposons dans cet article de mettre en lumière les innovations qu’apporte la loi ELAN, de ses points forts tout comme des points qui donnent matière à inquiétude. Nous mettrons également en lumière les silences que fait la loi ELAN.

Ce qui change avec ELAN

La loi ELAN se donne pour ambition de combler les insuffisances de la loi ALUR qui pour l’ensemble des acteurs a détérioré les relations entre propriétaires et locataires. Pis, l’on a surtout reproché à la loi ALUR de ne pas encourager l’investissement dans le secteur immobilier et il faut dire que certaines statistiques tendent à corroborer cette thèse. Pour l’heure, il est une évidence que les débats seront particulièrement houleux entre députés et sénateurs précisément sur certains points clé. Nous en énumérons quelques uns ci-dessous:

  • Les délais d’expulsion: ils seront revus à la baisse (de moitié) avec ELAN. En effet, selon la réglementation actuelle, il faut six mois à un propriétaire pour expulser un locataire qui ne remplit pas ses obligations notamment en ce qui concerne le paiement à bonne date des loyers. À ce délai de six mois viennent s’ajouter les délais liés à la procédure de jugement et ceux inhérent à la trêve hivernale au cas où l’expulsion à lieu en plein hiver. Avec la loi ELAN, il faudra tout au plus trois mois pour expulser un locataire défaillant;
  • La lutte contre la squattérisation: il s’agit ici de muscler la législation afin de lutter plus efficacement contre les squatteurs. Avant ELAN, la loi du 05 mars 2007 en son article 38 disposait que tout propriétaire avait le droit d’alerter le préfet afin de libérer sa résidence principale illégalement occupée. Avec ELAN, cette prérogative sera étendue à tous les «locaux à usage d’habitation», et donc aux résidences secondaires;
  • La facturation des frais de relance: toujours dans le but de décourager les locataires mauvais payeurs, la loi ELAN donnera désormais droit au bailleur de facturer les relances. Ce dispositif est sensé mettre davantage de pression sur le locataire de mauvaise foi. Seule la première relance sera gratuite;
  • La facilitation des ruptures de baux: Avec la loi ALUR, le propriétaire qui désirait libérer son logement pour le vendre ou pour l’occuper lui-même devait se soumettre à certaines règles. Par exemple, il était tenu d’attendre la fin de la première reconduction du bail si son bien immobilier a été acquis il y a moins de trois ans. Il pouvait par contre faire valoir son droit pendant le bail en cours si le logement avait été acquis depuis plus de trois ans. Avec la loi ELAN, le propriétaire peut faire valoir ce droit pendant le bail en cours dans tous les cas (durée du logement inférieure ou supérieure à trois ans).
  • Les sanctions pénales pour le locataire mauvais payeur: la loi ALUR ne prévoyait pas des sanctions pénales notamment financières à l’endroit des locataires mauvais payeurs. Avec la loi ELAN, une clause est prévue au sein du contrat de bail. Elle permettra essentiellement au bailleur de réclamer des pénalités financières au locataire ne remplissant pas ses obligations de mauvaise foi.

En somme, les principales innovations qu’apporte la loi ELAN sont jugées (à juste titre peut-être) trop favorables aux bailleurs. De plus, de l’avis des associations de défense des locataires, les dispositions notamment pécuniaires qu’elle propose auront pour conséquences d’engendrer une inflation des loyers dans les grandes villes ce qui serait déjà une réalité. En effet, des associations telles que la CLCV dénonce dors et déjà une augmentation des loyers de 130 euros en moyenne dans la ville de Paris.

Les regrets du projet de loi ELAN

Pour une loi qui était au départ sensée rééquilibrer les rapports entre locataires et bailleurs, il faut dire que ELAN ne convainc pas vraiment même si l’objectif visé selon les élus est de doper l’investissement dans un secteur immobilier en perte de vitesse. Par ailleurs, de l’avis de certains spécialistes du secteur, il aurait été souhaitable que le projet de loi pose les jalons de la création d’un véritable statut pour toutes les personnes physiques comme morales désirant investir dans l’immobilier.

Enfin, le projet de loi ELAN suscite bien des craintes sur certains points essentiels. C’est le cas de l’article 53 qui prévoit la suppression pure et simple du Conseil nationale de la transaction et de la gestion immobilière (CNT GI). Une autre crainte partagée par les différents acteurs concernés est la déréglementation que prévoit le texte à travers son concept de bail électronique.